Des chercheurs de l’IRCM identifient un mécanisme de défense qui limite l’infection par le VIH

17 octobre 2017
Éric A. Cohen et Robert Lodge

Certaines cellules attaquées par le VIH résistent à l’infection en « barrant » la porte au virus.

Maintenant que la médecine réussit à contrôler le VIH et à freiner sa progression vers le sida, les chercheurs du monde entier passent à l’autre étape : éradiquer totalement le virus ou, au moins, le contrôler sans devoir prendre de médicaments antirétroviraux à vie. C’est que le VIH est un petit malin. En effet, il se dissimule sous une forme dormante dans certaines cellules immunitaires, notamment les lymphocytes et les macrophages. Ces réservoirs ou cachettes permettent au VIH d’échapper aux médicaments et de réactiver l’infection lorsque ceux-ci sont interrompus. Mais comment le VIH établit-il ces réservoirs ? Et comment peut-on les éliminer ou les contrôler ?

C’est ce que les scientifiques tentent de savoir pour réussir à guérir complètement le VIH-sida. Éric A. Cohen, directeur de l’unité de recherche en rétrovirologie humaine de l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) en collaboration avec des membres de deux équipes pancanadiennes de recherche — CNART — Équipe de recherche sur le neuro-SIDA et le Consortium canadien de recherche sur la guérison du VIH (CanCURE) — ont trouvé une partie de la réponse : ils ont identifié un mécanisme de défense qui permet aux macrophages de se protéger de l’infection. Cette percée ouvre la porte à la possibilité de prévenir l’établissement de réservoirs dans les macrophages, notamment dans le système nerveux central où ces cellules jouent un rôle prépondérant dans la persistance du VIH.

Les chercheurs ont soupçonné les macrophages d’être des réservoirs parce que le virus les infecte sans les détruire, et que ces cellules produisent des effets inflammatoires même lorsque l’infection est contrôlée par la médication. Par ailleurs, « comme les macrophages montrent des degrés variables de susceptibilité à l’infection, nous avons pensé que leurs mécanismes de défense devaient différer selon les organes », explique le Dr Cohen, qui dirige CanCURE. En analysant les macrophages de plus près, le groupe de chercheurs remarque que certaines cellules, comme celles de l’intestin, résistent à l’ennemi. Comment est-ce possible? Éric A. Cohen et Robert Lodge, premier auteur de l’étude et chercheur associé à l’IRCM, avancent l’idée que la susceptibilité à l’infection est en partie contrôlée par les microARN, de très petites molécules non codantes qui « trient » les consignes apportées par les ARN messagers. Ainsi, les microARN gèrent l’expression des protéines dans une cellule.

Pour vérifier leur hypothèse, les scientifiques ont analysé le profil des microARN provenant du sang de volontaires sains. Ils ont d’abord isolé les monocytes, les précurseurs des macrophages. En laboratoire, ils les ont différenciés en macrophages qu’ils ont mis en présence du VIH. Résultats : de 5 à 10 % des cellules ont été infectées par le virus; le reste a résisté. Les chercheurs ont identifié plus de 400 microARN différents entre les cellules infectées et non infectées. Parmi eux, les microARN appelés 221 et 222 empêchent spécifiquement les macrophages de synthétiser la protéine CD4 sur laquelle le VIH doit se fixer pour pouvoir infecter une cellule. Autrement dit, ces deux microARN ferment la porte d’entrée de la cellule au virus.

Mais pourquoi certains macrophages possèdent-ils ces microARN protecteurs alors que les autres non ? « Il semble que ces microARN fassent partie de la réponse antivirale des macrophages dans certains tissus », précise le Dr Cohen qui étudiera la question dans une étude subséquente. Maintenant que les chercheurs ont compris comment certains macrophages se défendent contre le VIH, ils espèrent pouvoir augmenter la production des microARN 221 et 222 afin de rendre l’ensemble des macrophages résistants au virus. Avec un endroit de moins où se cacher, le VIH aura plus de difficulté à déjouer la médication et à persister dans l’organisme.

À propos de l’étude 
Le projet de recherche a été mené par Robert Lodge, Jérémy A. Ferreira Barbosa, Félix Lombard-Vadnais, Julian C. Gilmore et Mariana G. Bego de l’unité de recherche en rétrovirologie humaine de l’IRCM, sous la direction d’Éric A. Cohen, en étroite collaboration avec Alexandre Deshiere et Michel J. Tremblay de l’axe des maladies infectieuses et immunitaires du Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval, Annie Gosselin, Tomas Raul Wiche Salinas et Petronela Ancuta du Centre de recherche du CHUM, Christopher Power de l’Université d’Alberta et Jean-Pierre Routy du Centre de recherche du Centre universitaire de santé McGill.

L’étude a été financée par l’équipe de recherche sur le neuro-SIDA, le Consortium canadien de recherche sur la guérison du VIH (CanCURE) des Instituts de recherche en santé du Canada, le Programme des chaires de recherche du Canada et la Chaire d’excellence IRCM-UdeM en recherche sur le VIH. L’étude a également bénéficié des infrastructures et des cohortes de patients du Réseau sida et maladies infectieuses soutenu par le Fonds de recherche du Québec — Santé.

Information :
Anne-Marie Beauregard, conseillère en communication, IRCM
514 987-5555 | anne-marie.beauregard@ircm.qc.ca

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