Une armée de virus pour « vacciner » contre le cancer

14 mai 2021

Publié le 13 mai 2021 à 6h46
Jean-Benoit Legault

La Presse Canadienne

PHOTO ARCHIVES LA TRIBUNE

Dans leur laboratoire, les chercheurs modifient ces virus dits « oncolytiques » pour aller infecter et éliminer avec précision les cellules cancéreuses, sans toucher aux cellules saines.


(Montréal) Une armée de virus pourrait un jour se lancer à l’assaut des tumeurs cancéreuses et appeler le système immunitaire en renfort, grâce à une nouvelle stratégie que sont à peaufiner des chercheurs du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM).

La technique développée par Marie-Claude Bourgeois-Daigneault et son équipe a déjà fait ses preuves chez des souris qui présentaient des modèles de cancer du côlon et de mélanome.

Dans leur laboratoire, les chercheurs modifient ces virus dits « oncolytiques » pour aller infecter et éliminer avec précision les cellules cancéreuses, sans toucher aux cellules saines.

Mais ces virus sont également mélangés à des peptides synthétiques (des antigènes) qui ressemblent au cancer ciblé, de manière à inciter le système immunitaire à lui aussi faire sa part. Le cancer est donc attaqué sur deux fronts.

« L’avantage de prendre des virus oncolytiques pour faire ça est que les virus eux-mêmes sont capables de directement cibler et détruire le cancer, a dit Mme Bourgeois-Daigneault, qui est professeure à l’Université de Montréal et membre de l’Institut du cancer de Montréal. Donc non seulement on a un vaccin qui induit une réponse immunitaire contre chaque cancer, mais on a aussi des virus qui vont directement cibler et détruire le cancer. »

Le vaccin doit être personnalisé pour chaque patient, en fonction des mutations propres à chaque cellule cancéreuse, a-t-elle précisé. Les travaux réalisés par d’autres chercheurs permettent toutefois, lors d’une biopsie, de déterminer quels peptides utiliser.

Les vaccins qui sont actuellement proposés pour combattre la COVID-19 sont de type prophylactique, puisqu’ils visent à prévenir une maladie ; le vaccin décrit par Mme Bourgeois-Daigneault est plutôt de type thérapeutique, ce qui veut dire qu’il a comme objectif de combattre une maladie après son apparition.

« Le cancer, ce n’est pas comme une infection qui vient frapper et qui se développe très rapidement, qu’il faut éliminer très rapidement, a-t-elle dit. Le cancer est une maladie qui est souvent plus lente. Même s’il est déjà bien développé, on a quand même un certain laps de temps pour monter une réponse immunitaire. »

Cela étant dit, poursuit Mme Bourgeois-Daigneault, si on pouvait prédire d’avance quel type de cancer se développera, il serait théoriquement possible de développer le vaccin, de l’administrer et de prévenir l’apparition de la maladie.

L’approche adoptée par les chercheurs du CRCHUM a aussi comme avantage qu’elle ne nécessite aucune modification génétique des virus. Il suffit de mélanger les peptides synthétiques appropriés au virus choisi, et le tour est joué : on peut cibler tous les cancers.

« C’est une différence qui est quand même majeure et importante parce que ça permet d’avoir un traitement qui est disponible beaucoup plus rapidement et à moindre coût par rapport au design de nouveaux virus pour chaque patient », a expliqué Mme Bourgeois-Daigneault.

Leurs travaux s’inscrivent dans la tendance très forte de la « médecine personnalisée » ou de la « médecine de précision », qui cherche à laisser de côté les traitements génériques pour offrir à chaque patient une thérapie taillée sur mesure pour lui, en fonction de ses caractéristiques et de celles de sa maladie.

Le principal défi qui doit encore être surmonté avant d’envisager une application clinique des travaux de Mme Bourgeois-Daigneault concerne l’identification des mutations contre lesquelles on souhaite vacciner, puisque seulement quelques-unes des centaines de mutations qui caractérisent un cancer permettront de l’attaquer efficacement et de l’éradiquer. Des équipes s’attaquent actuellement à relever ce défi.

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal scientifique Nature Communications.


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