Des chercheurs du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM) et de l’Université Yale parviennent sur des souris humanisées à diminuer la taille du réservoir où se cache le VIH en utilisant un « ouvre-boîte moléculaire » et une combinaison d’anticorps présents dans le sang de personnes infectées.
Dans leur étude publiée dans Cell Host & Microbe, l’équipe de scientifiques, en collaboration avec leurs collègues de l’Université de Pennsylvanie et de la Faculté de médecine de Harvard, montre qu’ils ont aussi pu retarder de manière importante le retour du virus après l’interruption de la thérapie antirétrovirale dans ce modèle animal.
Les souris humanisées sont « générées » à partir de souris immunodéficientes qui ne possèdent pas leur propre système immunitaire. Elles sont greffées avec des cellules immunitaires humaines et peuvent être utilisées pour étudier les maladies affectant le système immunitaire humain, comme le cancer, la leucémie ou le VIH. Des chercheurs de l’Université de Yale ont mis au point un modèle de souris humanisée spécifique doté de cellules tueuses naturelles (NK) actives, un type de cellule immunitaire, pour étudier leur rôle dans l’infection par le VIH.
« Avec notre cocktail composé de deux anticorps naturellement présents dans le plasma des personnes infectées par le VIH et d’une petite molécule “ouvre-boîte”, nous avons réussi à exposer et stabiliser une forme vulnérable de l’enveloppe du virus. Cela laisse le temps aux anticorps, qui ont reconnu le virus, d’appeler “la police” du système immunitaire, les cellules NK, et de se débarrasser des cellules infectées », dit Andrés Finzi, co-auteur principal de l’étude, chercheur au CRCHUM et professeur à l’Université de Montréal.
Pour infecter les cellules du système immunitaire humain, le VIH se fixe avec son enveloppe à des récepteurs spécifiques présents à la surface de ces cellules, notamment un appelé CD4. Cette liaison déclenche des changements dans la forme de l’enveloppe du virus, sa « clé » d’entrée, et lui permet d’infecter les cellules hôtes.
En 2019, dans une étude antérieure, une équipe menée par Andrés Finzi et James Munro (Université Tufts) avait montré que de petites molécules ressemblant aux CD4, conçues et synthétisées par l’équipe du chercheur Amos Smith à l’Université de Pennsylvanie, se comportaient comme des « ouvre-boîtes » et permettaient de forcer le virus à s’ouvrir et à exposer des parties vulnérables de son enveloppe.
« Sur notre modèle de souris humanisée développé à Yale et utilisé pour l’étude du VIH, nous montrons que le cocktail permet non seulement de limiter la réplication du virus, mais aussi de diminuer les réservoirs de VIH en détruisant les cellules infectées », explique Priti Kumar, auteure principale et professeur à l’Université Yale.
Réussir à retarder le « rebond » du virus
Tout au long de la trithérapie, le VIH se cache silencieusement dans des réservoirs situés au creux des lymphocytes T CD4+, des globules blancs qui participent à l’activation du système immunitaire contre les infections et à la lutte contre les microbes.
L’existence de ces sanctuaires viraux cachés explique pourquoi le traitement antirétroviral ne permet pas de guérir les personnes atteintes du VIH et pourquoi elles doivent le suivre durant toute leur vie afin d’empêcher le virus de « rebondir ».
« Dans les souris humanisées, nous avons stoppé la trithérapie avant de leur administrer notre cocktail. Le rebond du virus a lieu seulement 46 jours après. Chez les souris qui n’ont pas reçu le cocktail, le rebond se produit dans les 10 jours. Une telle efficacité dans ce modèle animal est vraiment très prometteuse », dit Andrés Finzi.
Ces résultats ouvrent de nouvelles voies thérapeutiques dans la lutte contre ce virus mortel. Selon l’Organisation mondiale de la santé, 38 millions de personnes vivaient avec le VIH à la fin de 2019.
À propos de l’étude
L’article « Modulating HIV-1 envelope glycoprotein conformation to decrease the HIV-1 reservoir », par Jyothi K Rajashekar, Jonathan Richard et ses collègues, a été publié le 20 mai 2021 dans Cell Host & Microbe.
Les travaux ont été financés par les Instituts de recherche en santé du Canada, les National Institutes of Health (NIH) des États-Unis, le programme de recherche sur le VIH Gilead Sciences Research Institute et la Foundation for AIDS Research (amfAR Research Consortium on HIV Eradication). Andrés Finzi est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en entrée rétrovirale.
À propos du CRCHUM
Le Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM) est l’un des principaux centres de recherche hospitaliers en Amérique du Nord. Sa mission est d’améliorer la santé chez l’adulte grâce à un continuum de recherche couvrant des disciplines telles que les sciences fondamentales, la recherche clinique et la santé publique. Plus de 1850 personnes travaillent au CRCHUM, dont plus de 550 chercheurs et plus de 460 étudiants des cycles supérieurs. chumontreal.qc.ca/crchum